En Belgique, plus d’un million de familles utilise les services d’une aide-ménagère via des titres-services. Le système des titres-services a été instauré en Belgique en 2004. Aujourd’hui, le secteur est l’un des plus conséquents, avec quelque 150.000 employé·e·s.
Marie-Virginie Brimbois aime son métier. Oh oui beaucoup. Parce qu’il lui permet de rencontrer des gens et, souvent, de faire un petit bout de vie avec elles et eux, de les voir grandir, évoluer. Si vous avez vu le documentaire Au bonheur des dames ? réalisé en 2018 par Gaëlle Hardy et Agnès Lejeune, alors son visage ne vous est pas inconnu. Elle fait en effet partie des huit femmes, employées dans le secteur des Titres-Services, qui y ont pris la parole pour aborder leur quotidien de « femme de ménage » et témoigner de cette réalité qui est la leur, comme les problèmes de santé liés à la profession, le manque de reconnaissance, l’importance du relationnel avec le client, la précarité de l’emploi… Vous l’avez peut-être également croisée en manif’ ou lors d’une conférence-débat, car en tant que déléguée aide-ménagère, elle ne manque jamais une occasion de prendre la parole pour défendre son métier et faire en sorte que chacun·e puisse l’exercer dans les meilleures conditions possibles. Alors on a eu envie de la rencontrer pour lui poser quelques questions…
À ce jour, 98 % des personnes travaillant sous le régime des titres-services sont des femmes. On reste dans une représentation très genrée du métier…
On commence à voir quelques hommes, mais cela reste très rare. Ce qui s’explique aussi par le fait que, dans ce milieu, ce sont eux qui subissent des discriminations de la part des employeuses·eurs. Dans l’inconscient collectif, le ménage reste cantonné aux femmes, même professionnalisé. Et, dans les foyers hétérosexuels, ce sont également toujours les femmes qui vont nous indiquer le travail qu’il y a à faire. C’est d’ailleurs toujours assez déroutant de réaliser que ce sont des femmes qui font appel à d’autres femmes pour se libérer du temps pour elles…
Qui sont ces femmes qui composent ces 98 % ?
On n’a plus comme avant des gens qui venaient quasi exclusivement du travail au noir. Au départ, c’était essentiellement des mamans qui, après avoir élevé leurs enfants, reprenaient un petit boulot. Maintenant, on voit des diplômées, des femmes qui ont eu un parcours de vie difficile… Mais aussi de plus en plus de pensionnées qui viennent pour compléter leur pension. Récemment, dans la société qui m’engage, on a eu une femme de près de 80 ans…
Ce sont donc majoritairement des femmes qui n’ont pas le choix financièrement, que ce soit pour gagner de l’argent ou pour ne pas risquer d’en perdre via une sanction de l’O.N.E.M.
Pourtant on est loin d’un salaire attractif…
En effet, on n’a toujours pas un salaire qui nous permette de vivre décemment. Les salaires du secteur sont encore plus bas que dans d’autres secteurs d’« emploi féminin peu qualifié ». Pour celles qui sont seules, souvent avec enfants, un retard de paiement d’un jour et c’est la catastrophe. Les budgets sont calculés souvent au centime près. Avec l’explosion des prix de l’énergie et l’augmentation de l’essence, la situation s’est aggravée. Avant, on recevait des appels de « détresse » vers le 20, maintenant c’est à la moitié du mois… Quand on me dit « Soit je nourris mes enfants, soit je vais travailler », j’avoue que je ne sais pas quoi répondre…
Ça bouge pourtant dans le secteur, notamment grâce à des mobilisations de travailleuses qui ont eu lieu récemment.
Ça bouge… mais pas assez malheureusement. Après les premières mobilisations fin 2019, nous avons eu une augmentation des salaires bruts de 0,8 % (alors qu’on réclamait 1,1 %).
Pourtant c’est un secteur où l’argent est brassé ! Rien que pour la Wallonie l’année dernière, dans mon entreprise, nous avons ramené 3 millions de dividendes à nos actionnaires, et ce malgré la crise sanitaire ! On est beaucoup, on rapporte beaucoup, mais, nous, on n’a rien ! Ici nous sommes montées au front notamment en ce qui concerne les frais de déplacement [1] , mais les négociations sont totalement à l’arrêt. Le gros problème c’est qu’on a laissé les fédérations patronales et les sociétés privées prendre la main sur les négociations alors que c’est un secteur qui est subsidié à 70 % par le public !
Un espoir de changement ?
Oui et non. On se demande combien de temps encore les Régions vont continuer de soutenir le système de titres-services, qui est un gouffre financier énorme pour elles. Par contre, on se sent entendues et soutenues par la ministre Christie Morréale [2].
[1] Les travailleuses du secteur des titres-services perçoivent une indemnité de déplacement limitée à 13 centimes par kilomètre (alors que l’État fixe cette indemnité à 37 centimes par kilomètre).
[2] Vice-présidente du gouvernement wallon et ministre de l’Emploi, de l’Action sociale, de la Santé et de l’Égalité des Chances.