Le manque de désir sexuel est une plainte fréquente, en particulier chez les femmes. Il s’explique généralement par l’histoire individuelle de la personne et par sa relation de couple. Pourtant, la sexualité évolue selon les époques et les cultures et est donc influencée par des facteurs sociétaux. Dès lors, quelles pourraient être les causes systémiques jouant sur le manque de désir sexuel rapporté par certaines femmes ? Voici quelques pistes de réflexion.

La répartition inégalitaire des tâches domestiques et de la charge mentale

En Wallonie, les hommes consacrent en moyenne 11 heures par semaine en moins aux tâches domestiques (travail ménager, soins et éducation des enfants) que les femmes. Même si ces dernières prestent en moyenne 7 heures de travail rémunéré en moins que les hommes, étant donné leur surplus de travail domestique, elles ont en définitive une charge de travail plus élevée que les hommes. Les femmes ont donc environ 4 heures de temps libre en moins par semaine que les hommes, sans compter le temps nécessaire à organiser mentalement toutes ces tâches, autrement dit le temps pris par la charge mentale, c’est-à-dire « le fait d’avoir en permanence dans un coin de la tête la préoccupation des tâches domestiques et éducatives, même dans les moments où on n’est pas dans leur exécution ». En définitive, les femmes ont moins de temps à consacrer au développement de leur sexualité, que cela soit, par exemple, par la masturbation ou les rêveries sexuelles. Il leur serait donc moins évident d’investir le domaine de la sexualité et d’entretenir leur désir sexuel, ce qui peut être difficile à vivre. Rappelons tout de même que le manque de désir sexuel n’est pas pathologique en soi. Certaines personnes n’en ressentent pas du tout et pour les autres, il est normal que leur désir fluctue, c’est-à-dire qu’il y ait des périodes où il est élevé et d’autres où il l’est moins.

Des pratiques non-centrées sur le plaisir féminin

Les pratiques sexuelles les plus fréquentes – dans les couples hétérosexuels en particulier – ne sont pas adaptées pour susciter un orgasme chez les femmes. Dans notre société, la sexualité des hommes hétérosexuels cisgenres (c’est-à-dire dont le genre assigné à la naissance correspond au genre auquel la personne s’identifie)  est généralement valorisée, au détriment des autres sexualités. D’où le phénomène d’orgasm gap qui renvoie à la différence observée entre la fréquence des orgasmes chez les femmes et chez les hommes lors de rapports hétérosexuels. Étant donné que la stimulation externe du clitoris est négligée, les femmes atteignent moins souvent l’orgasme lors des rapports hétérosexuels. Il n’est dès lors pas étonnant que le désir pour les relations sexuelles soit diminué si celles-ci ne procurent pas ou peu de plaisir. Bien sûr, l’orgasme n’est pas obligatoire pour qu’un rapport soit agréable et ne doit pas nécessairement être une fin en soi.

Les violences sexistes et sexuelles

Les violences physiques et/ou psychologiques sont identifiées comme l’une des causes possibles du manque de désir sexuel. Cependant, les violences sont envisagées au niveau individuel : une personne a vécu des violences et cela explique qu’elle manque de désir sexuel, autrement dit, c’est lié à son histoire personnelle. Or,  les violences à l’égard des femmes constituent un phénomène sociétal et touchent toutes les femmes, directement ou indirectement : 98% des femmes ont déclaré avoir vécu du harcèlement sexiste dans l’espace public et la violence physique et/ ou sexuelle entre (ex-)partenaires touche 1 femme sur 4 en Belgique.

Les autres causes sociétales possibles

En parallèle des trois causes sociétales mises en évidence, il existe d’autres pistes possibles pour expliquer le manque de désir sexuel exprimé par certaines femmes  : la chosification des femmes dans les médias, l’internalisation du sexisme, le tabou de la sexualité des femmes et du plaisir féminin, l’influence de la pornographie mainstream sur nos représentations, ou encore la crainte de la grossesse non désirée renforcée par la stigmatisation de l’avortement. Cette liste n’est bien sûr pas exhaustive mais permet de replacer l’individu dans le contexte de société qui l’entoure et de prendre conscience de l’influence de celle-ci. Ainsi, si le manque de désir sexuel est en partie lié à des causes systémiques, au lieu de faire peser toute la responsabilité sur les individus pris isolément, il faudrait aussi changer la société. Ce changement passe entre autres par une répartition égalitaire du travail domestique, la lutte contre les violences faites aux femmes (notamment à travers la prévention) et la généralisation de l’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle (EVRAS). Chacun·e a le droit de vivre sa sexualité comme elle·il l’entend et de s’épanouir sexuellement.

Pour aller plus loin… Pour plus d’informations sur la thématique du plaisir féminin, découvrez la campagne Les dessous du plaisir féminin de la Fédération des Centres de Planning familial des FPS sur www. planningsfps.be.

Pour toute question en lien avec la vie relationnelle, affective et sexuelle, prenez contact avec un centre de planning familial. Les coordonnées de tous les centres situés en Wallonie et à Bruxelles sont référencées sur www. loveattitude.be

Pascaline NuncicAutrice