Charlène Sauldé, comédienne, est à l’initiative du groupe Facebook Culture Quarantaine qui a diffusé gratuitement durant le confinement des projets d’artistes qui souhaitaient maintenir le lien avec leurs publics. Alors que le déconfinement annonce la fin de ce beau projet, elle revient pour nous sur cette incroyable aventure.

Comment est née Culture Quarantaine ?

La veille du confinement, on s’est retrouvé·e·s avec 3 ami·e·s. L’une d’elle est autrichienne et nous a raconté qu’une page Culture Quarantaine avait été créée dans son village, car le pays était déjà en confinement. À l’époque, on nous annonçait quelques semaines de confinement, mais on supposait que ça allait durer plus longtemps. On a commencé à paniquer, à penser aux projets prévus les semaines suivantes. On s’est alors dit « si on faisait la même chose qu’en Autriche pour essayer de rester en contact avec le public ? » Dès le lendemain soir, on a organisé un concert. La page a connu une progression ultra rapide. Du coup, on a préparé des programmations, on est passé de 4 à 13 personnes gérant la page au quotidien. C’était une période intense, un boulot incroyable du matin au soir. Il fallait planifier, être en contact avec les artistes qui ne savaient pas toujours utiliser la technique, on a dû se former !

Pourquoi ce projet s’arrête-t-il ?

Notre problème principal était qu’on ne rémunérait pas les artistes. Pour nous, ça a toujours été un vrai problème éthique et c’est la raison pour laquelle on a décidé d’arrêter complètement les lives, une fois que le déconfinement du secteur culturel a été annoncé. C’est important pour nous de savoir qu’il y a une fin à ce projet, qu’on tire un trait sur cette période difficile. On a été pas mal critiqué par rapport à la gratuité et au streaming, même si beaucoup d’artistes et de structures ont adhéré au projet. Ça m’a beaucoup touchée, car notre mouvement était juste spontané, solidaire. Pour nous, c’était comme une manifestation où tout le monde décidait de se mobiliser. On n’avait pas la prétention de vouloir révolutionner la culture.

Pour nos derniers mois d’existence [la page se fermera en fin d’année NDLR], on utilise le réseau qui a été mis en place comme un outil de communication pour présenter certains projets. Nous avons reçu un subside assez important de la part de la ministre de la Culture qui nous a permis de lancer un appel à projets auprès des artistes qui nous ont aidé·e·s bénévolement, pour soutenir leurs projets futurs. On a soutenu une vingtaine de projets. C’était des petits montants à chaque fois, mais ça nous a permis d’offrir un « retour sur investissement » pour remercier les artistes qui s’étaient investi·e·s sur notre page gratuitement. On continue donc de faire leur promo sur les réseaux, on les soutient dans les échanges presse. C’est pour nous une façon d’assurer une continuité avec ce qu’on a proposé durant le confinement, même si ce n’était pas parfait !

Que retiens-tu de cette expérience ?

Pour moi, ça a été super fort d’inviter la culture chez moi alors qu’on était hyper isolé les uns des autres. Il y a eu de vrais moments festifs, des soirées qui me restent en tête où l’on voyait tout le monde danser dans son salon. Au-delà du public, ça a été très touchant de voir tous ces gens qui sont venus bénévolement nous soutenir.

Pour nous, ça a parfois été difficile. Je me retrouvais devant mon ordinateur du matin au soir. On recevait des sollicitations constantes, des dizaines de messages d’artistes qui avaient envie de se produire. On était aussi très sollicité·e·s par la presse. Et en même temps, ça a été chouette, car ça a mis en avant plein de choses positives, ça a fait prendre conscience à plein de gens de l’importance de la culture.

Les réseaux sociaux ont permis de décentraliser la culture et de nous réinventer. Ça a ouvert un champ des possibles. Maintenant, on va se réinventer ailleurs même s’il faudra réfléchir à comment maintenir certaines nouvelles dynamiques à long terme !

Autrice
AutriceElise Voillot