Quel que soit le sujet de société abordé, quand on parle des femmes, il est important de ne pas oublier des publics trop souvent invisibilisés dans le débat public et politique, comme les femmes en situation de handicap, atteintes d’une maladie grave ou invalidante. Être femme ET en situation de handicap, c’est subir, entre autres, des oppressions validistes et sexistes, subtilement tissées entre elles : discriminations et violences liées au fait d’être des femmes, mais également au fait d’être « handicapées » aux yeux d’une société pensée par et pour des personnes valides.
Avoir un corps visuellement « anormal », ne pas pouvoir agir et penser comme une personne valide ou présenter des besoins spécifiques justifie, souvent inconsciemment, des inégalités sociales et certaines formes spécifiques de violences envers ces femmes. C’est le sujet de l’étude publiée en cette fin d’année par l’ASPH.
Qu’est-ce que le validisme ?
Comment comprendre ce drame social ? En étudiant la société sous le prisme validiste qu’elle véhicule et la manière dont elle conçoit et appréhende « le handicap ». Le validisme est un système d’oppression qui considère que nous sommes toutes et tous « valides » par défaut, tant d’un point de vue physique, qu’intellectuel et psychologique.
Il véhicule des normes sociales qui façonnent les esprits et la subjectivité des individus (en situation de handicap ou non), comme tous les autres systèmes d’oppressions (sexisme, âgisme, cisgenrisme, racisme, etc.). Ces normes dictent, d’une part, ce qui est «normal » et, d’autre part, ce qui relève de la marginalité. Ce système d’oppression est présent partout : dans les comportements, le vocabulaire, dans le monde médical, les médias, la culture, les lois, les politiques publiques, l’architecture et même dans certains mouvements militants.
La pensée validiste ne permet donc pas de mettre en lumière les réalités inquiétantes vécues par les femmes en situation de handicap. Par exemple, la grande majorité d’entre elles sont considérées comme des personnes asexuées et non désirables aux yeux de la société dite validiste. Ces femmes seraient-elles donc « immunisées » face aux violences sexuelles ? Non ! C’est là toute la réalité silencieuse dont nous faisons écho : selon une enquête réalisée par l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne sur les violences faites aux femmes en Europe, 34 % des femmes avec un problème de santé ou un handicap ont connu des violences physiques et/ou sexuelles durant une relation, contre 19 % de femmes qui n’ont pas de handicap ou de difficultés de santé . Les femmes en situation de handicap sont, à tout âge, significativement plus harcelées et touchées par des violences et abus psychologiques, sexuels, financiers mais aussi des menaces, de la maltraitance et de la négligence de la part de leur entourage (partenaire, famille, personnel soignant, d’institutions ou de services à domicile). Le handicap engendre donc des formes spécifiques de violence liées au statut de « vulnérabilité ». Ces violences sont encore loin d’être (re)connues. Cela engendre une forte sous-estimation de la gravité du phénomène, permettant aux situations d’abus de se multiplier et réduisant la probabilité des poursuites et condamnations des agresseurs [1]. Dédier une étude au croisement « Femmes & Handicap », c’est contribuer à visibiliser les conséquences invisibles mais lourdes d’une absence structurelle de politiques publiques en la matière, qu’il est essentiel de dénoncer.
Cet article s’inspire de l’étude ASPH « Être femme en situation de handicap : une situation violente ».
Ce sujet vous parle ou vous avez envie de témoigner ? Ecrivez-nous à l’adresse suivante : mai.paulus@solidaris.be
[1] Nous avons fait le choix de ne pas utiliser l’écriture inclusive lorsque nous parlons “d’agresseurs” afin de visibiliser le côté systémique des violences faites aux femmes.