Ces dernières années ont été marquées par les mouvements protestataires comme #MeToo ou encore #BalanceTonPorc qui ont permis de libérer la parole de nombreuses femmes victimes de violences. Dans le prolongement de ces mouvements et grâce à la médiatisation de plusieurs affaires telles que celles d’Harvey Weinstein ou encore de Roman Polanski, le débat concernant les sanctions infligées aux auteurs est remis sur la table.
Lorsque l’on est victime de violences (conjugales, sexuelles…), une des démarches particulièrement difficiles à effectuer est sans doute de porter plainte. Et ce, pour de nombreuses raisons comme la peur, la honte, la culpabilité… Après le temps de la plainte, vient normalement celui de la réparation du crime pouvant aider à la reconstruction de soi. Mais quand la victime réussit à entreprendre la démarche douloureuse de porter plainte, rien ne lui certifie que celle-ci aboutira. La voilà donc confrontée à une nouvelle difficulté, celle de la justice et de l’impunité de l’auteur. Pour illustrer cette impunité, prenons un exemple qui a fait pas mal de bruit dans l’actualité de ces derniers mois : l’affaire Polanski. Ce dernier a été condamné aux États-Unis en 1977, il y a donc plus de 40 ans, pour avoir drogué et violé une jeune adolescente de 13 ans. Il a reconnu les faits mais a fui en France, pays ne disposant pas d’un accord d’extradition. Depuis, de nombreuses autres plaintes ont été déposées contre lui, qu’il conteste. À ce jour, Polanski continue d’exercer son métier de réalisateur en France et de bénéficier d’une couverture médiatique importante (en témoigne la dernière cérémonie des César qui l’a primé au rang de meilleur réalisateur pour son film J’accuse) ainsi que d’un soutien important du monde artistique.
Au regard de cet exemple, il semble très facile de faire le lien entre le pouvoir et l’impunité. On peut clairement se dire qu’il est plus facile pour un réalisateur à succès d’échapper à la justice, ce qui contribue à renforcer les inégalités de notre société. D’ailleurs, qui osera croire qu’un réalisateur primé pour son talent puisse commettre de tels actes ? Le statut d’artiste notoire lui confère donc en quelque sorte un privilège d’impunité dont un autre citoyen ne bénéficierait pas forcément. Cette puissance conférée à l’auteur de violences va se répercuter sur la victime en décrédibilisant sa parole. Le crime qu’elle a subi, au lieu de trouver réparation auprès de la justice, va continuer. L’impunité de l’auteur va renforcer sa domination sur la victime mais également empêcher cette dernière de se reconstruire et renforcer sa culpabilité. Un des dangers de ne pas sanctionner les auteurs est de déboucher vers une culture de l’impunité qui, à l’instar de la culture du viol [1] , va banaliser les infractions à tel point que les auteurs commettent des actes criminels en étant tout à fait conscients qu’ils transgressent la loi et en sachant pertinemment qu’ils ne seront pas tenus responsables de leurs actes . Reprenons l’exemple ci-dessus : ce genre d’affaire très médiatisée a lancé de nombreux débats tels que le fameux « Faut-il dissocier l’artiste de l’homme ? ». Or, il est nécessaire de rappeler que le talent artistique ne peut en aucun cas justifier une agression sexuelle. Avant d’être un réalisateur à succès, Roman Polanski est un citoyen comme un autre. Il n’y a donc aucune raison qu’il échappe aux règles de la société dans laquelle il vit. Notre société est remplie de lois et de règles pour maintenir un certain ordre social et garantir la protection des droits individuels et collectifs. Il est donc primordial de lutter contre l’impunité des auteurs et d’ainsi réduire les inégalités de genre et de classes sur la scène judiciaire en continuant de dénoncer cette pratique. On remarque une progression dans l’écoute des victimes concernant notamment les plaintes pour violences faites aux femmes. Il faut cependant encourager davantage l’écoute en ce qui concerne la condamnation des auteurs afin de garantir une place centrale pour la victime et l’aider dans sa reconstruction.
[1]La culture du viol est définie comme « tout un appareil de pensée, de représentation, de pratiques et de discours qui excusent, banalisent, érotisent voire encouragent la violence sexuelle »