Une réforme des pensions est actuellement à l’agenda politique. La mesure phare, 1 500 euros pour tou·te·s, n’est pas passée inaperçue. Malheureusement, la suite des mesures est très technique et résultera principalement de négociations entre les différents groupes politiques du gouvernement.

La Sécurité sociale a été créée en 1944 sur base d’ar[1]guments très politiques : le patronat était considéré comme une classe usurpatrice des richesses produites par les travailleuses·eurs. Plutôt que de se lancer dans une révolution, un compromis a été forgé : le système capitaliste n’était pas remis en cause, à condition que le patronat garantisse aux travailleuses·eurs des conditions de vie dignes. Au fondement de la Sécurité sociale, il y a donc l’idée que c’est au patronat de la financer. Ce raisonnement, qui met le patronat face à ses responsabilités, est largement oublié aujourd’hui à la faveur d’une rhétorique où la Sécurité sociale est pensée comme une « charge » pesant sur les employeuses·eurs. Les exonérations de cotisations sociales sont le produit d’un marchandage au licenciement. Elles se soldent par un définancement de la Sécurité sociale [1] . Malheureusement, la réforme actuelle n’aborde pas le problème du financement (ou plutôt du définancement) des pensions. Bien au contraire, la réforme est présentée comme « budgétairement neutre ». Or, le défi du vieillissement implique une augmentation des dépenses. La question politique qui se pose alors est de savoir si ces coûts seront assumés par la collectivité. Ou nous recommandera-t-on d’épargner pour nos vieux jours ? Dans ce cas, nombreuses et nombreux (car ce sont surtout les femmes qui sont concernées par la pauvreté) resteront sur le carreau.

Un deuxième problème très important posé par la réforme des pensions concerne une vieille rengaine brandie par la droite : imposer des conditions toujours plus restrictives pour l’accès à la pension. Actuellement, une condition de trente ans de carrière est requise. Mais il peut s’agir d’années effectivement travaillées ou de périodes dites « assimilées » (chômage, maladie, invalidité). L’Open VLD réclame un pas de plus : conditionner les pensions au travail effectif . La droite cherche ici à détruire un mécanisme essentiel de solidarité de la Sécurité sociale : le droit à la pension ne dépendrait plus des besoins, mais de ce que chacun et chacune aura versé à la caisse. Exit la solidarité, seul compterait l’individu.

Ces deux jalons (le définancement et la condition de carrière effective) sont les étapes de toute privatisation des pensions, ce qui suppose des attaques sur le plan matériel et idéologique. D’une part, réduire le montant des pensions afin d’inciter les travailleuses·eurs à épargner dans des fonds privés (la pension est alors réduite à un « filet de sécurité », selon l’expression nauséabonde de la Banque mondiale) et, d’autre part, déconstruire les mécanismes de solidarité par une restriction des conditions d’accès à la pension.

Ainsi, gardons-nous de penser que les réformes sont de simples ajustements techniques de la Sécurité sociale. Heureusement, il n’est pas besoin d’être grand·e politologue pour comprendre le sens des réformes : il suffit de se demander qui va payer le coût du vieillissement de la population.

[1] Par exemple, la Cour des comptes a évalué que les exonérations de cotisations sociales pour premier emploi (mesure du gouvernement Michel) coûtent un milliard d’euros par an.

Ermelinde MalcotteAutrice