Après de longues heures de négociations, le gouvernement fédéral a abouti la nuit dernière à un accord pour le second volet de la réforme des pensions. Espace Seniors et les Femmes Prévoyantes Socialistes (FPS) saluent la revalorisation du montant de la pension minimum (à 1.500€ puis à 1.630€ nets en 2024). La prise en compte des inégalités de genre est également à souligner, notamment au travers d’une souplesse pour les personne ayant réduit leur temps de travail pour s’occuper de leurs enfants avant l’introduction du crédit-temps spécifique.
Toutefois, en tant que structures de terrain défendant au quotidien la Sécurité sociale, nous regrettons la principale mesure de cette phase de réforme : l’introduction du travail effectif comme condition de carrière.
Avant cet accord, pour pouvoir bénéficier d’une pension minimum, une condition de trente ans de carrière était requise. Il pouvait s’agir de travail effectif ou de périodes dites « assimilées » (périodes de chômage, de maladie, d’invalidité, etc.). Dorénavant, seules compteront les périodes de travail effectif.
Il s’agit d’une revendication historique de la droite. L’Open-VLD réclamait trente années ; c’est finalement vingt ans (avec un temps de travail de minimum 4/5e) qui sera adopté cette nuit par le gouvernement. Le président du MR, Georges-Louis Bouchez s’en félicite : cette mesure « constitue un pas important dans la bonne direction avec une plus grande valorisation de l’effort : 20 ans de travail effectif pour la pension minimale ! », a-t-il déclaré sur Twitter.
Ces « pensions qui valorisent le travail » (tweet d’Alexander de Croo du 19 juillet 2022) signent en réalité la destruction d’un mécanisme essentiel de solidarité : le montant des pensions n’est plus relatif au niveau de vie de la personne, à ses besoins, mais à ce que chacun·e a versé à la caisse.
Cette condition de carrière effective revient à faire peser sur les épaules des travailleuses et des travailleurs la responsabilité du chômage, alors qu’il s’agit d’un phénomène structurel, qui s’est aggravé au fil des crises économiques et que la pandémie de Covid-19 a durablement affecté. Il en va de même pour les arrêts maladies ou incapacités de longue durée, dont les causes macro-économiques s’en retrouvent totalement invisibilisées. Pourtant, 27 % des pensionné·e·s ont des carrières composées à plus de 50 % de périodes assimilées.
L’introduction de la condition de carrière effective va peser particulièrement sur les femmes puisque que, parmi celles qui ont pris leur pension en 2014, seules 28 % avaient une carrière complète (contre 51 % des hommes). Saluons toutefois que les journées de congé de maternité, d’allaitement, de co-parentalité ou encore pour soins palliatifs seront considérées comme du travail effectif.
Parmi les arguments invoqués pour justifier cette mesure, il y a celui de la soutenabilité financière des pensions. La droite ne cesse en effet d’exiger un définancement de la Sécurité sociale… afin de « garantir le financement de notre modèle » [sic] (tweet de Georges-Louis Bouchez). D’ailleurs la droite a régulièrement sabré dans les recettes de la Sécurité sociale : réduction des cotisations patronales (4,8 milliards d’euros selon la Banque nationale de Belgique), exonération de cotisation à vie pour le premier travailleur (1 milliard d’euros selon la Cour des comptes), tax shift, etc.
Rappelons que les pensions en Belgique sont particulièrement basses par rapport aux autres pays européens : le taux de remplacement (pourcentage du salaire constituant la pension) est de 66 % en Belgique alors que la moyenne européenne est à 71 %.
La Ministre Lalieux a fait un important travail de revalorisation des pensions les plus basses, mais la droite continue d’attaquer de toutes part. L’introduction de la condition de vingt années de travail effectif est un changement de paradigme important, auquel la Ministre Lalieux a apporté une série de garde-fous. Gageons que les luttes de terrain mettent les balises suffisantes pour ne pas en finir avec un principe phare de la Sécurité sociale : la solidarité.