Les réseaux sociaux entretiennent une relation d’amour-haine avec les corps des femmes et des minorités. Tantôt utilisés à outrance et hypersexualisés dans les publicités [1], tantôt censurés sur Instagram, ces corps sont ainsi à la fois objets de désir et de controverse. Focus sur cette relation hypocrite.
Des corps valorisés, mais censurés
L’algorithme d’Instagram visibilise davantage les contenus montrant des corps dénudés. En effet, une photo de femme en sous-vêtements ou maillot de bain apparaît 1,6 x plus dans les fils d’actualité qu’une photo d’elle habillée . Par ailleurs, on peut parler d’une « formule beauté » sur les réseaux sociaux, car les femmes les plus influentes ont de nombreux points communs : grandes, jeunes, ventre plat, poitrine importante. Un corps dénudé rentrant dans les normes de beauté sera donc davantage visibilisé par la plateforme.
À l’inverse, certaines parties du corps peuvent mener à des censures immédiates. Par exemple, si les algorithmes jugent qu’un téton appartient à un corps de femme, le contenu présentant celui-ci sera immédiatement supprimé de la plateforme. Pire encore, des contenus à visée préventive se sont déjà vus rapidement effacés. C’était le cas, en 2016, d’une vidéo mettant en avant l’autopalpation pour détecter un éventuel cancer du sein, alors qu’elle était justement pensée dans le but d’échapper à la censure. Plus récemment, en 2019, une autre campagne de lutte contre le cancer du sein s’est vue également censurée .
Un fonctionnement subjectif des réseaux sociaux
Pourtant, le positionnement de Facebook sur la nudité est celui-ci : « Avec le temps, nous avons adapté nos règlements relatifs à la nudité. […] Par exemple, alors que nous limitons certaines images de la poitrine féminine qui montrent le mamelon, nous autorisons d’autres types d’images, notamment celles illustrant des actes de protestation, des femmes défendant activement l’allaitement ou des cicatrices de mastectomie. […] Nous autorisons également les photos de peintures, sculptures et autres œuvres d’art illustrant des personnages nus ». Instagram et Snapchat fonctionnent de la même façon . TikTok, de son côté, interdit tout contenu affichant des tétons jugés féminins, sans concessions.
Pour pouvoir exister sur certains réseaux sociaux, les seins doivent être justifiés par de l’art, ce qui reste subjectif et difficilement jugeable par une modération réalisée en partie via une intelligence artificielle . Leur visibilisation peut également être justifiée par une situation d’allaitement ou être remplacés par des cicatrices.
Mais qu’en est-il de tous les autres cas de figure ? Qu’en est-il des personnes souhaitant simplement pouvoir montrer leur poitrine telles qu’elles sont sur les réseaux sociaux ? Chacun·e devrait être libre de disposer de son corps comme elle·il le souhaite et cela doit également s’appliquer aux réseaux sociaux. Ces publications peuvent servir comme un outil d’émancipation et de réappropriation de son corps. Après avoir été sexualisées par autrui, certaines personnes peuvent ressentir le besoin de décider d’elles-mêmes ce qu’elles souhaitent sexualiser. De plus, l’utilisation des réseaux sociaux à cette fin peut participer à une meilleure image de leur propre corps .
Bien que des utilisatrices·teurs aient trouvé de nombreux moyens de contourner la censure (en pixelisant les tétons, en collant des tétons « masculins », etc. Nous vivons dans une société qui sexualise et érotise les seins tout en empêchant ceux-ci d’être montrés car soumis aux regards des hommes. Les femmes sont dépossédées du droit de montrer ou non leur poitrine, de sexualiser ou non celle-ci. Et les réseaux sociaux, finalement, bien souvent créés par des hommes, ne sont qu’un reflet de cette société.