Depuis plusieurs mois, les expulsions de demandeuses·eurs d’asile se répètent à Bruxelles, les condamnant au sans-abrisme. Ces populations extrêmement vulnérables occupent pourtant des bâtiments vides, laissés à l’abandon. Cette situation est le reflet de la « crise » de l’accueil que nous connaissons depuis octobre 2021, sans que l’État belge ne semble prêt à y remédier.

Que nous dit la loi ?

Tout être humain a besoin pour garantir sa sécurité, sa protection, son intégration, à un lieu d’habitation. Le droit au logement est consacré, notamment, par l’article 25 de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme, et par l’article 23 de la Constitution belge qui prévoit le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine. Cet enjeu est d’autant plus fondamental qu’il conditionne l’accès à une aide sociale.

La Belgique a donc pour obligation légale de fournir une « aide matérielle » à tout·e demandeuse·eur d’asile le temps du traitement de sa demande. Celle-ci consiste, en priorité, en un hébergement géré par une structure d’accueil, Fedasil. Le problème ? Les centres sont systématiquement saturés, ce qui contraint, chaque année, des milliers de personnes à dormir dans la rue ou à s’établir sous forme de squats, dans des conditions déplorables. En raison de cette situation contraire à la loi, notre État a déjà été condamné plus de 8.000 fois par le Tribunal du Travail et près de 1.200 fois par la Cour européenne des Droits de l’Homme.

Le statut de réfugié : une étape qui ne résout pas tout

Les personnes dont la demande est acceptée et qui obtiennent le statut de réfugié∙e ont deux mois pour trouver un toit et quitter la structure d’accueil, sous peine de se retrouver à la rue. L’exercice relève alors du parcours de la·du combattant·e car l’aide sociale accordée par le CPAS est souvent incompatible avec les prix exorbitants du marché locatif. Les propriétaires prêt·e·s à les accueillir sont également peu nombreuses·eux. De plus, ces personnes, abîmées par des trajets d’exil éprouvants, ne maîtrisent bien souvent ni la langue ni les procédures et modalités à entreprendre. Enfin, les cas de discriminations sont encore beaucoup trop fréquents et renforcent les vécus traumatiques.

Un manque de volonté politique criant

Aujourd’hui, les seules solutions pour pallier le manque structurel de places émanent majoritairement de la société civile et d’une poignée de citoyen·ne·s, qui s’organisent souvent sous forme de plateformes. Pourtant, cette « crise » était inévitable et aurait pu être résorbée si le monde politique s’y était engagé.

Fermeture de centres, manque de personnel (et donc délai de réponse beaucoup trop long), etc. rien n’a été mis en place par l’État pour anticiper les fluctuations du nombre de demandes, bien au contraire. Comme l’indique Amnesty International, « l’absence de volonté politique pour remédier à une situation somme toute prévisible et gérable a conduit à une crise que l’État a lui-même provoquée ». La croyance populaire selon laquelle l’augmentation du nombre de personnes migrantes est à l’origine du problème est donc tout simplement fausse.

Ce statut quo politique est d’autant plus inquiétant que la Belgique ne respecte pas les décisions prises par la justice dans le cadre de ses multiples condamnations, exigeant l’hébergement immédiat des demandeuses·eurs d’asile dormant dans la rue et le paiement d’astreintes, toujours non réglées. Mais si le pouvoir exécutif se moque des décisions judiciaires, que nous reste-t-il pour faire valoir nos droits ?

À partir du moment où la Belgique méprise notre État de droit, cette « crise » humanitaire nous concerne toutes et tous. Des solutions sont possibles sur le court, le moyen et le long terme. Plutôt que de permettre le déploiement de l’agence Frontex (chargée du contrôle des frontières extérieures à l’espace Schengen) sur notre territoire – mesure honteuse prise à la veille des élections du 9 juin ! – ne serait-il pas temps de réquisitionner officiellement les immeubles vides pour loger en urgence toutes ces personnes ? Par ailleurs, un plan de répartition avait été approuvé par le Gouvernement en 2015-2019, prévoyant que chaque commune accueille un certain nombre de personnes en exil sur base de critères prédéfinis . Celui-ci n’a jamais été mis en pratique. Alors, qu’attendent nos dirigeant·e·s ? Une chose est sûre, nombreuses sont les voix de la société civile qui ne cesseront de s’élever pour dénoncer cette situation scandaleuse et inacceptable.

Auteur
AuteurFlorence Vierendeel