Faire partie de la communauté LGBTQIA+ [1] et vivre à la campagne, ça ressemble à quoi? Dans l’imaginaire collectif, ce sont deux mondes qui ne s’accordent pas toujours bien. Pourtant, la réalité est loin d’être aussi binaire. Prenons le temps de déjouer quelques clichés!

Le « mythe de la métronormativité »

Grandir à la campagne quand on est LGBTQIA+ peut parfois engendrer une importante solitude si l’on n’a pas de modèles ou de représentations dans son entourage. Lorsque les gens qu’on côtoie vivent un quotidien très éloigné, ou encore quand on évolue dans un climat hostile. Cela peut prendre une telle ampleur que pour certain·e·s, seule l’option de partir à la ville soulage. De fil en aiguille est né le « mythe métronormatif », idée reçue selon laquelle avoir une vie épanouie en tant que queer [2] ne serait possible qu’en milieu urbain. « Ce mythe est alimenté par le cliché d’une ruralité fermée d’esprit, peu safe [3] et vide d’autres personnes LGBT […] alors que la ville serait un havre de paix queer et plein de paillettes, de fêtes et de rencontres » [4] explique Max du compte Instagram Gouines des champs.

Tranquillité vs invisibilité

« Combien de fois, finalement lassé qu’on me demande si j’ai une copine, je finis par dire que je vis avec un homme. “Ah, ça ne se voit pas !”. Peut-être que le problème est là justement» témoigne Jean-Baptiste Roux de la Confédération Paysanne. Se déployer dans des zones peu peuplées offre une certaine tranquillité, une possibilité de « vivre et laisser vivre ». On ne colle pas d’emblée une « étiquette LGBT » sur quelqu’un : elle·il est avant tout un·e voisin·e, un·e habitant·e du village, la·le maraichère·er du coin, etc. Mais la tranquillité se transforme parfois en invisibilité. On en arrive à considérer que tout le monde est forcément cis [5], hétéro, etc., soit par ignorance, soit par homophobie plus ou moins intériorisée. Ce qui demande aux personnes concernées qui le souhaitent de faire des coming out à répétition alors que dans des zones urbaines, l’orientation sexuelle, l’identité de genre, etc. peuvent juste être un « non sujet ».

Pour d’autres, point d’invisibilité, mais bien un effet parallèle, celui de la « silenciation » : en milieu rural, « dans un univers aussi réduit, les informations circulent étonnamment vite […], le silence est la seule solution garantissant l’équilibre et la paix », ce qui force à devoir se taire, à « rester dans le placard » et à cacher une partie de son identité pour ne pas être discriminé·e.

Partir, rester, revenir

Il y a celles·ceux qui décident de fuir la campagne. Le besoin de « faire communauté », de s’entourer de personnes qui partagent des vécus, intérêts ou discriminations similaires, ou de s’éloigner d’un cadre dans lequel elles·ils ne pouvaient pas être elles·eux-mêmes voire d’un environnement toxique pousse à cet exode rural particulier. S’épanouir, construire son militantisme, simplement vivre sans essayer de survivre en tant que personne LGBTQIA+ ne peut pour elles·eux se penser qu’en ville. Le milieu queer qu’elles·ils y trouvent permet de réparer son estime de soi, retrouver confiance et même s’apporter mutuellement du soin.

Cependant, cet espace n’est pas toujours tout à fait safe, il arrive que des formes de violence y surgissent, que l’entre-soi devienne étouffant. La ville apporte également son lot d’agressions ou de micro-agressions homophobes, mais aussi un anonymat pas toujours facile à gérer.

Il y a celles·ceux qui choisissent de quitter la ville. Pour revenir au plus près de leurs racines, trouver ce sentiment d’entraide et de considération favorisé par la proximité qu’il y a davantage en zone rurale ou tout simplement tester la vie à la campagne. Et s’y faire sa place en tant que personne queer, se sentir non seulement accepté·e, mais même intégré·e et reconnu·e dans toutes les facettes de son identité. C’est ce qui donne entre autres le goût à la communauté LGBTQIA+ de rester ou revenir dans les campagnes.

Fiertés rurales

Ce qui manque parfois, ce sont les ponts, les liens pour faire communauté dans les villages. Internet a participé à cette mise en connexion. Aussi, de plus en plus d’initiatives voient le jour : que ce soit via des collectifs, associations de terrain ou événements comme des pride rurales, des festivals queers, des rassemblements d’agricultrices·teurs LGBTQIA+, etc. Des colocations queers impliquées dans la vie locale aux villages et communautés lesbiennes, gays, créées il y a des décennies en France ou aux USA par exemple, la fierté rurale est partout : à la campagne, à la mer, à la montagne !

[1] Lesbienne, gay, bisexuel∙le, transgenre, queer, asexuel∙le/aromantique/agenre. Le + englobe les autres diversités qui existent hors du champ hétéronormatif et cisnormatif.

[2] Qui se revendique hors des modèles dominants en matière de genre, orientation ou identité sexuelle.

[3]  C’est-à-dire un lieu sécurisant, où l’on se sent en confiance.

[4] Post issu du compte Instagram @gouinedeschamps. La métronormativité a été théorisée par Jack Halberstam

[5] Dont le genre assigné à la naissance correspond au genre ressenti