Dans une société où les normes priment, la prise en considération des spécificités du public LGBTQIA+ demeure fragile, d’autant plus dans le domaine de la santé. Une enquête française réalisée en 2017 dévoile qu’au moins une personne LGBTQIA+ sur deux s’est déjà sentie discriminée dans le cadre de son parcours de soins. Ces inégalités affectent particulièrement les femmes ayant des relations sexuelles avec des femmes (FSF). En cause ? Une société profondément hétérosexiste [1]. Et pourtant, plusieurs leviers d’action existent pour améliorer la prise en charge de cette minorité sexuelle !
Le terme FSF permet d’inclure l’ensemble des femmes ayant déjà eu une relation homosexuelle, indépendamment de leur orientation sexuelle. Par ailleurs, cet article ne concerne que les femmes dites cisgenres, c’est-à-dire qui s’identifient au genre qui leur a été assigné à la naissance.
À l’échelle de la population mondiale, l’état de santé, tant physique que mental, des personnes LGBTQIA+ est globalement moins bon (anxiété, dépression, violences, tentatives de suicide, addictions, etc.) . Les FSF n’échappent pas à la règle, notamment en matière de santé sexuelle. Pourtant, à risques élevés (en raison de leurs pratiques et du manque d’informations) [2], elles sont moins nombreuses à se protéger lors de rapports sexuels. Elles ont également moins souvent recours aux soins de santé, notamment gynécologiques. Ce type de comportement n’est pourtant pas anodin et met en exergue les limites de notre système de soins de santé.
Des inégalités sociales de santé à la stigmatisation intériorisée
Les FSF sont en réalité victimes d’inégalités. Celles-ci sont inscrites dans l’organisation même de la société dont le mode de pensée tend à nier, dénigrer ou encore stigmatiser toute forme de sexualité qui n’est pas hétérosexuelle. Nos institutions, leurs pratiques, politiques et actions, en sont le reflet ! Par exemple, beaucoup de professionnel·le·s de la santé pensent toujours que les FSF sont épargnées des IST et du VIH, ce qui est totalement faux. De nombreux stéréotypes et ignorances entourent encore et toujours la sexualité des FSF. Perçue comme un impensé social [3] , celle-ci est invisible et banalisée. Et si, dans l’imaginaire collectif, elle n’existe pas, pourquoi s’en préoccuper ? Cette question alarmante est au fondement de nombreux obstacles pour les FSF. Les recherches médicales les concernant sont pauvres. En raison de données manquantes à leur sujet, les risques qu’elles encourent sont sous-évalués et les politiques publiques développées ne les prennent pas en compte. Quant aux professionnel·le·s de la santé, celles·ceux-ci ne sont pas formé·e·s à ces questions et manquent très souvent d’informations sur la santé sexuelle des FSF. Beaucoup d’entre elles·eux peinent à aborder l’orientation sexuelle et présupposent l’hétérosexualité de leurs patientes. La prise en charge des FSF est dès lors inadaptée. Les représentations erronées à leur sujet persistent et se reproduisent. Sans surprise, les FSF intègrent ces discriminations potentielles (lesbophobie [4], préjugés, remarques sexistes, etc.) qui se cristallisent sous la forme de craintes diverses les poussant souvent à éviter les consultations, ou tout du moins, à les raréfier, au prix de leur santé.
De la prise de conscience à la mise en action
Afin de garantir à toutes et tous le droit à la santé, une prise de conscience doit s’opérer chez l’ensemble des actrices·teurs concerné·e·s afin de reconnaitre la nécessité d’adopter des approches spécifiques pour répondre aux besoins de tous les publics, dont les publics vulnérables. Une attention particulière doit être accordée au public LGBTQIA+, et plus précisément, à la santé sexuelle des FSF. Parmi les pistes d’action concrètes, l’intégration de contenus concernant les personnes LGBTQIA+ au sein des formations initiales et continuées des professionnel·le·s de la santé doit devenir une priorité. Le financement et le développement de campagnes de sensibilisation et de recherches sur la santé sexuelle des FSF doit s’inscrire dans cette prise en considération globale de leurs réalités et vécus. Sur le terrain, les professionnel·le·s de la santé détiennent un pouvoir d’action immédiat en adoptant un vocabulaire inclusif et une attitude d’ouverture, sans préjugés et sans présomption de l’orientation sexuelle de leurs patientes. Des salles d’attente et de consultation LGBTQIA+ friendly, à travers la mise à disposition de brochure et d’affiches inclusives concernant les publics non-hétérosexuels, contribuent également à la création d’un espace accueillant et sécurisant. Enfin, de manière générale, la lutte contre les stéréotypes et les violences dont sont victimes ces minorités doit s’intensifier en s’effectuant dès le plus jeune âge via la généralisation effective de l’Education à la Vie Relationnelle Affective et Sexuelle (EVRAS) en milieu scolaire.
Cet article s’inspire de l’analyse FPS d’Eléonore Stultjens : « Les oubliées de la santé sexuelle : les femmes ayant des relations sexuelles avec des femmes ».
[1] Une société qui considère l’hétérosexualité comme la norme et comme la seule sexualité légitime, la rendant supérieure.
[2] La prévalence d’infections sexuellement transmissibles (IST) est plus élevée chez les FSF que chez les femmes hétérosexuelles.
[3] « Les pratiques sexuelles lesbiennes n’étant pas reconnues comme des pratiques sexuelles, on déniait l’existence d’une sexualité autonome des femmes. La sexualité lesbienne est un impensé social : « Il n’y a pas de sexualité là où il n’y a pas de pénétration masculine ». »
[4] Qui désigne le rejet et la violence perpétrés à l’égard des femmes lesbiennes sur base de leur orientation sexuelle.