Dans un contexte de libération de la parole autour des violences faites aux femmes et personnes s’identifiant comme telles, un angle peu mis sur le devant de la scène concerne les violences sexistes et sexuelles commises sur le lieu de travail.

Pourtant, il s’agit d’un milieu aussi propice au harcèlement et aux violences que le sont les bars, la rue, etc. En effet, une enquête de 2016 démontre que plus de 9 femmes sur 10 (94 %) ont connu du sexisme sur leur lieu de travail. Plus récemment, sur un total de 736 signalements sur la discrimination réalisés auprès de l’Institut pour l’Égalité des Femmes et des Hommes (IEFH), 40 % de ceux-ci concernent le domaine de l’emploi. De plus, on peut se poser la question d’un possible sous-rapportage de ces discriminations, car la peur de représailles, comme un licenciement, n’est pas à prendre à la légère. Ces comportements sexistes concernent en grande majorité des blagues ou des réflexions déplacées. Cela peut également se traduire par du manterrupting [1], que 80 % de femmes sondées signalent avoir déjà vécu, ou encore le fait de ne pas être impliquées dans les prises de décisions à cause de leur genre, de recevoir des remarques sur les vêtements, sur une grossesse (ou non), etc.

Quelles pistes de solutions apporter ?

À titre individuel, il existe de nombreuses formations et outils [2] qui permettent de prévenir les comportements sexistes en entreprise. Cela commence par la prise de conscience que ce qui est vécu n’est pas normal et pose problème (remarques sur la tenue, blagues, allusions et propositions sexuelles, exposition à des images pornographiques, etc.). La victime peut alors rassembler toutes les preuves dont elle dispose (mails, SMS, témoins, attestation d’arrêt maladie, etc.) et mobiliser diverses personnes et institutions : sa·son supérieur·e hiérarchique, son syndicat, la police, la·le conseillère·er en prévention de l’entreprise, la médecine du travail, etc.

De plus, l’employeuse·eur est la première personne responsable du bien-être au travail, elle·il se doit d’adopter une politique de tolérance zéro vis-à-vis de ces comportements. Elle·il a l’obligation de faire de la prévention, doit mettre un terme aux agissements sexistes dès qu’elle·il a été mis·e au courant et doit sanctionner l’auteur des faits. En effet, si un·e employeuse·eur est au courant d’une situation de harcèlement et ne fait rien pour que cela change, ni ne pénalise l’auteur, elle·il pourra également être sanctionnée [3].

Au niveau sociétal, des études qualitatives et quantitatives plus récentes doivent être menées afin de mesurer la réelle ampleur du problème. Le harcèlement sexiste et sexuel a de véritables conséquences sur la santé physique et mentale des victimes : anxiété, troubles du sommeil, consommation de substances, désinvestissement professionnel menant à des congés maladie de longue durée, etc . Tout cela peut également avoir des conséquences sur l’entreprise et son bon fonctionnement. Il est donc nécessaire que cette problématique soit reconnue. À ce propos, la convention de l’Organisation Internationale du Travail de 2019 n° 190, portant sur la violence et le harcèlement, doit être ratifiée par la Belgique. En effet, celle-ci prend en compte la dimension genrée et concerne tous les types de postes, incluant également les stagiaires et bénévoles. Il s’agit d’une convention précise qui force les États membres la signant à prendre des mesures concrètes pour prévenir, lutter contre et punir le harcèlement sexiste et sexuel au travail.

Il est donc nécessaire de pouvoir agir, individuellement, mais surtout collectivement contre le harcèlement sexiste et sexuel au travail, qui touchera, au moins une fois dans leur vie professionnelle,  20% des femmes.

[1] Contraction de « man » (homme) et « interrupting » (interrompant), ce phénomène se définit par le fait, pour un homme, d’interrompre une femme lorsque celle-ci parle, sans que ce soit forcément pertinent, voire pour parler de tout autre chose.

[2] Voir, par exemple le MOOC sexismatwork ou l’outil eDiv d’Unia.

[3] Vidéo youtube, 50 min 48 – 1h 04 min 54

AutriceMargot Foubert